Laâyoune – Es mara – Aousserd – Sahara occidental sud marocain
La 1ère boucle Nord-Sud Est, Est-Ouest nous amène sur le littoral atlantique, ce qui donne un air marin bienvenu à notre périple. Un break de 2 jours à Laâyoune, une des capitales provinciales du Sud et point de départ de la découverte du Sahara occidental où de nombreux rallyes s’y déroulent. Après ces semaines en solitaires, nous apprécions le grouillement et brouhaha de la ville, les échanges avec les passants, toujours curieux de voir « des touristes », l’immersion dans le quotidien et l’ambiance des rues animées et colorées. Il y a une atmosphère toute particulière en ce 21 avril, dernier jour du Ramadan, Aïd el-Ftir, marquant la rupture de la période de jeûne et le début du 10ème mois du calendrier hégirien, appelé Chawwal. Effervescence qui se ressent et grandit au fur et à mesure de la journée rythmée par les préparatifs de la grande fête du lendemain rassemblant familles et amis, le temps de partager de copieux repas et traditionnels cadeaux.
Dernière étape à la conquête du Sud, nous nous lançons avec frénésie, sur des pistes oubliées, pour atteindre Aousserd, point le plus au Sud de notre circuit marocain.
662 km de pistes, cap plein sud, 6 bivouacs, 0 puits, amplitudes thermiques entre 11° au petit matin à 42° en fin de journée ; le thermomètre s’affolant un après-midi à 50°, bourrasques et tempêtes de sable, altitude moyenne entre 250-300m., ayant comme seule compagnie de gros lézards noirs, peu sexy à mon goût !
Panoramas aux allures « lunaires » sur certains tronçons plus torturés longeant la frontière mauritanienne, zone fortement militarisée. Puis nous filons, nous pourrons dire nous surfons, sur environ 300 km de surface lisse, à la platitude infinie à 360°, trompant notre œil par de brillants et troublants mirages, nous narguant en s’éloignant plus on s’en approche. Tableau grandeur nature mêlant des ombres lumineuses scintillantes de blanc, gris, jaune, sous fond uni de sable ocre. Que de trajectoires s’ouvrent devant nous, tant le champ de navigation est large, formant des vaguelettes sculptées par les vents. Traversée de pur bonheur, de vrai désert, sans l’ombre d’intervention de l’homme, au façonnage originel laissé au gré des éléments naturels. Impression de liberté et immensité contrastant avec des sensations d’isolation et fragilité. Sur la fin du parcours, nous retrouvons quelques reliefs et passages vallonnés, moins uniformes, mais tout aussi magiques.
Peut-être que la griserie du moment et un peu trop de confiance nous font oublier un instant les dangers de la conduite dans ces terrains sablonneux et débouche, quelques km plus loin, sur un plantage dans le sable qui nous a bien mal mené. C’est une rencontre fortuite et bienvenue avec Saïd, ce berbère qui a dû repérer de loin nos manœuvres pour sortir le bus enlisé dans le sable, qui nous tire d’affaire. Cela fait plus de 2 heures, à 40° à l’ombre (s’il y en avait !) que nous essayons de dompter ce terrain qui n’en fait qu’à sa tête ; plus nous creusons et enlevons le sable, plus ces « petits grains » reglissent sous les roues. Rien à voir avec nos souvenirs de construction de beaux châteaux de sable avec les enfants sur la plage ! Avec de grands gestes, Saïd nous initie à une méthode, loin de nos standards où l’équipement est la trousse de secours, alors que pour lui, dénué de toute appareillage, la nature offre les moyens pour faire face à toute situation. Il nous explique donc qu’il faut finir de creuser des rigoles de chaque côté sous le bus, comme nous avons commencé, arracher des touffes de ces buissons plus loin, le « turgidum panicum », et les disposer dans les tranchées. Ce « tapis » d’herbes permettra de ne pas s’enfoncer plus dans ce bac à sable ! Et ça marche, avec son aide, nous nous extrayons, ni une ni deux, de cette « sortie de route ». Pas assez de mots pour remercier Saïd, shkran, shkran, شكرًا !
Pour terminer ce périple mémorable, c’est à 40 km de l’arrivée que le témoin lumineux du réservoir d’essence (80 lt) affiche ironiquement sur notre tableau de bord que nous roulons alors sur la réserve. C’est un des paramètres auquel nous prêtons une attention particulière tout au long de ce voyage loin de tout. Nous savions qu’à Aousserd, il y avait une station essence, mais ce que nous ignorions c’est que c’était un terrain militaire et que nous ne sommes pas autorisés à y rester. C’est gentiment que l’agent de service nous explique ceci, après avoir contrôler nos passeports et papier du véhicule, nous laisse le temps de faire le plein et nous indique la route à prendre pour quitter cette zone.
Pour remonter depuis Aousserd, la distance étant longue, nous empruntons la N1, route fraîchement construite et faisant la fierté du pays en offrant une infrastructure en bord de côte reliant le nord et sud du pays en moins de 10 heures. Ces journées de « transit » sont toujours compliquées pour trouver un bivouac. Nous nous éloignons donc de cette voix express, en fin d’après-midi, par un chemin de traverse et nous installons pour la nuit. C’est vers 20h que 3 militaires arrivent vers nous et nous expliquent qu’il ne faut pas rester là, car trop dangereux du fait du va-et-vient de trafiquants de tout genre, étant juste en face des Iles Canaries ! Ils nous conseillent de trouver une station essence et de se garer au milieu des camionneurs pour être en sécurité. C’est ce que nous faisons, mais c’est la nuit la plus cauchemardesque que nous avons vécu ; en termes de nuisance sonore, chaleur étouffante et hygiène quelque peu douteuse, loin de toute commodité et standards que nous nous faisons ! C’est là que prend toute la dimension contraire, où nous nous sentons en toute sécurité en pleine nature, mais où le danger nous guette étant trop près des agglomérations et voies de communication !
Nous sortons du Sahara occidental par une petite route goudronnée, où nous devons zigzaguer entre le bitume et les immenses dunes qui ont gagné le terrain. Des chemins parallèles se devinent pour contourner ces immenses congères ; c’est un vrai jeu de piste, où les jeeps locales s’en accommodent avec l’éternel « ça va, ça va bien ? » lorsqu’ils nous croisent.
Nous regrettons déjà le désert, mais nous devons penser au retour et entamer la traversée vers le Nord. Mais comme pour nous retenir encore un peu dans ces espaces qui nous ont tant apporté, voilà que nous subissons une crevaison. La 1ère avec le bus depuis 3 années de voyage ! Ce n’est pourtant pas n’avoir pas pris la précaution de ménager nos pneus. Il y a 2 soirs, notre hobby a été d’intervertir les roues avant avec celles de l’arrière, car l’usure n’est pas la même sur ces pistes caillouteuses ! Après une réparation chirurgicale du pneu crevé, nous poursuivons notre aventure.