Moyen et Haut Atlas

Moyen et Haut Atlas

Quels terribles épisodes de gels et dégels ou autres éruptions géologiques ont pu former ces rochers éclatés aux pentes vertigineuses ? Ce sont des entrelacements de montagnes tabulaires et plissées, murailles difficiles à franchir, qui nous conduisent brusquement et bénéfiquement à des altitudes alpines, par des pistes et sentiers abruptes et rocailleux. Que de monts, pics, blocs, tours et crêtes, tels des cathédrales, se dressent et se détachent dans un ciel bleu, nous offrant de somptueux cirques et spectacles « open air » !.

Nous traversons l’intérieur du pays, les hameaux de montagnes où l’activité pastorale reste primordiale, sont toujours très désuets. Ils surplombent de petits villages, de moins en moins espacés, qui abritent un patchwork de population bigarrée. Nos aventures sont animées par d’intenses intermèdes et partages. Ici le traditionnel thé de menthe offert par un jeune qui a choisi la vie de nomade et qui nous invite sous sa tente berbère. Il nous apporte, le lendemain matin, la galette de pain, juste sortie du four à bois, qu’il faut tremper dans l’huile de l’olive de sa fermette. Un petit déj traditionnel en commun avant de repartir sur les pistes. Plus loin, c’est une discussion à bâtons rompus sur la jeunesse et l’économie du pays avec l’instituteur du village qui vient à notre rencontre. Puis, quelques jours suivants, nous tentons à nous faire comprendre avec 4 jeunes, ne parlant que l’Amazighe, langue berbère (une des 3 langues parlées au Maroc avec l’arabe et le français), qui attendaient patiemment la dernière chevrette du troupeau qui traînassait dans des herbes gourmandes ! Ils voulaient peut-être nous vendre une chèvre, ou alors rentrer en Suisse avec nous, ou bien nous demander tout simplement de les conduire dans le village voisin… ? nous n’avons pas tout compris, mais l’essentiel ce sont ces sourires et éclats de rire le temps d’un en-cas improvisé. Partout ce sont les mêmes histoires et coutumes rurales. Tandis que les femmes s’échinent dans les champs et sur les sentiers conduisant un âne surchargé, les hommes eux tracent la prairie et les monts à moto pour réunir le bétail, approvisionner les kasbahs retirées ou faire le taxi. Il faut une certaine dextérité et maîtrise de l’engin pour transporter jusqu’à 4 personnes sur ce 2 roues d’un autre âge, arpentant ces pistes chaotiques, raides et sinueuses ! Les enfants que nous croisons sur le chemin de l’école parcourent fréquemment plus de 3 km sur des sentiers de montagnes. Quant aux aînés, ils sont astreints à la surveillance des cadets, sous l’œil d’une brebis qui n’a pu joindre le reste du troupeau.

Maroc, إلى اللقاء

Notre road trip se termine, contre toute attente et en complète opposition avec le reste du voyage, par une semaine plus qu’hivernale. C’est sous la neige, la pluie, le vent et le brouillard et par des frimas entre 3 et 5° au réveil, que nous devons gérer ces journées alpines, entre 2500 et 2900m ; quel choc thermique ! Les pistes détrempées deviennent vite impraticables et dangereuses avec les chutes de pierres, déjà en équilibre sur les pans friables par temps sec. Impossible de poursuivre sur ces chemins de terre glaise qui remplit nos roues. Nous creusons de larges ornières et le bus est poussé, sans pouvoir le maîtriser, trop près des bords. Il faut faire demi-tour, mais avant le seul moyen est de mettre les chaînes « à neige » pour reculer, au pas, sur ce tronçon glissant. Cela prête à sourire, nous qui avons l’habitude des terrains de montagnes, mais comme chaque nouvel itinéraire cache ses surprises, impossible de contrer les éléments naturels ! Le jour suivant, c’est un nouveau secteur argileux, mouillé et à dévers. Nous évoluons donc avec prudence voyant nos pneus à nouveau entourés de cette « pâte terreuse et humide ». Dans un passage à gué, après avoir sonder le sol qui ne paraissait pas trop meuble, ne voulant pas trop nous approcher du torrent, voilà que dans la manœuvre le bus s’embourbe dans une vase gluante ! Il nous faut lever, au cric, le véhicule pour poser des pierres plates sous les roues pour le sortir de là ! Deux épisodes qui corsent notre remontée par le Haut Atlas ; une météo maussade étant annoncée encore pour toute la semaine. C’est cahin-caha que nous alternons donc voies de transit sur route et chemins de traverse pour remonter au Nord prendre le ferry ; le temps de derniers bivouacs pluvieux et le temps de se remémorer les merveilleux souvenirs de ce périple !

78 bivouacs marocains sur de magistrales pistes aux immensités vierges et solitaires, dans des reliefs variés et contrastés cachant de magiques points de vue. D’inoubliables rencontres, enrichissantes à tout point de vue, malgré une culture aux traditions qui nous sont peu communes, exigeant abnégation, compréhension et surtout détachement de nos façons de vivre. Un voyage aux contraintes et environnements durs au niveau physique, mental et technique, teinté d’enchantements, de magies, aux souvenirs et anecdotes mémorables.

Ballades dans les Atlas

Atlas – parcours Sud-Nord

L’ensemble des massifs montagneux marocains se composent de 4 grandes chaînes et plateaux rocheux, du nord au sud : le Rif, le Haut Atlas, le Moyen-Atlas et l’Anti-Atlas. En sortant des déserts et régions du grand sud marocain, nous quittons peu à peu les zones nues de regs et alignements de dunes. Notre aventure se poursuit maintenant du Sud au Nord, un voyage dans le voyage, passant des déserts arides aux sommets montagneux. La richesse de la diversité topologique du Maroc est, comme un grand livre de géologie ouvert, témoin des successions de mouvements des roches, formant des plis et replis par paliers, avec des spécificités propres à chaque région.

Cirque montagneux

Anti Atlas, parallèlement à la ligne de fracture du sud, les 1ers versants de l’Anti-Atlas conservent encore, sur leurs flancs et crêtes, des allures et empreintes de sable soufflé par les vents ; ce qui dessine un relief rouge ocre aux contours désordonnés. L’horizon, moins infini que l’immensité désertique, est délimité par un véritable rempart de petites chaînes bordant des labyrinthes de gorges. Se faufilent alors canyons et enfilades le long d’Asifs, lits de rivières creusés au fil des saisons, cachant de magnifiques pistes et anciens chemins vicinaux, souvent dégradés car moins empruntés. A la sortie des canyons et oueds, nous prenons de la hauteur et profitons de points de vue grandioses, découpés dans un ciel bleu limpide. Certains flancs reçoivent assez de pluie et abritent des oasis de verdure et palmeraies, lovés dans des fonds de vallées perdues, encore isolées pour certaines en hiver, faute de voies accessibles. C’est toute la région de Tafraoute, Ouarzazate et de la vallée du Sarhro qui nous accueillent dans des cadres enchanteurs.

Jebels

L’asif de Tanguerfa et le cirque volcanique de la gorge des Agourer sont des exemples de sites sauvages incontournables, dissimulant d’époustouflants circuits par des traces techniques pour notre monture, sous la conduite chevronnée d’un pilote hors pair. Une transition presque brutale après ces semaines de vagabondages dans le sud. Progressivement, les plaines sablonneuses se transforment en Jebels, de petits villages nichés contre les monts remplacent les campements de nomades, les troupeaux de chevrettes côtoient les derniers dromadaires, des scènes rurales animent la région, de petits jardinets, cultures et fleurs teintent ce tableau naturel de touches colorées.

Nous profitons, enfin de veillées estivales en plein air pour nos bivouacs ; les jours s’allongent sensiblement. Enfin, car dans les déserts, les soirées très ventées, nous ont souvent forcés à nous cacher dans notre véhicule pour nous protéger du sable et de ces tourbillons quelque peu frisquets par rapport aux journées torrides. Notre quotidien se prolonge par d’éternelles ballades dans de somptueux décors dignes des plus beaux livres documentaires ; les clichés en disent long.

Sahara occidental

Laâyoune – Es mara – Aousserd – Sahara occidental sud marocain

La 1ère boucle Nord-Sud Est, Est-Ouest nous amène sur le littoral atlantique, ce qui donne un air marin bienvenu à notre périple. Un break de 2 jours à Laâyoune, une des capitales provinciales du Sud et point de départ de la découverte du Sahara occidental où de nombreux rallyes s’y déroulent. Après ces semaines en solitaires, nous apprécions le grouillement et brouhaha de la ville, les échanges avec les passants, toujours curieux de voir « des touristes », l’immersion dans le quotidien et l’ambiance des rues animées et colorées. Il y a une atmosphère toute particulière en ce 21 avril, dernier jour du Ramadan, Aïd el-Ftir, marquant la rupture de la période de jeûne et le début du 10ème mois du calendrier hégirien, appelé Chawwal. Effervescence qui se ressent et grandit au fur et à mesure de la journée rythmée par les préparatifs de la grande fête du lendemain rassemblant familles et amis, le temps de partager de copieux repas et traditionnels cadeaux.

Dernière étape à la conquête du Sud, nous nous lançons avec frénésie, sur des pistes oubliées, pour atteindre Aousserd, point le plus au Sud de notre circuit marocain.

662 km de pistes, cap plein sud, 6 bivouacs, 0 puits, amplitudes thermiques entre 11° au petit matin à 42° en fin de journée ; le thermomètre s’affolant un après-midi à 50°, bourrasques et tempêtes de sable, altitude moyenne entre 250-300m., ayant comme seule compagnie de gros lézards noirs, peu sexy à mon goût !

Panoramas aux allures « lunaires » sur certains tronçons plus torturés longeant la frontière mauritanienne, zone fortement militarisée. Puis nous filons, nous pourrons dire nous surfons, sur environ 300 km de surface lisse, à la platitude infinie à 360°, trompant notre œil par de brillants et troublants mirages, nous narguant en s’éloignant plus on s’en approche. Tableau grandeur nature mêlant des ombres lumineuses scintillantes de blanc, gris, jaune, sous fond uni de sable ocre. Que de trajectoires s’ouvrent devant nous, tant le champ de navigation est large, formant des vaguelettes sculptées par les vents. Traversée de pur bonheur, de vrai désert, sans l’ombre d’intervention de l’homme, au façonnage originel laissé au gré des éléments naturels. Impression de liberté et immensité contrastant avec des sensations d’isolation et fragilité. Sur la fin du parcours, nous retrouvons quelques reliefs et passages vallonnés, moins uniformes, mais tout aussi magiques.

Peut-être que la griserie du moment et un peu trop de confiance nous font oublier un instant les dangers de la conduite dans ces terrains sablonneux et débouche, quelques km plus loin, sur un plantage dans le sable qui nous a bien mal mené. C’est une rencontre fortuite et bienvenue avec Saïd, ce berbère qui a dû repérer de loin nos manœuvres pour sortir le bus enlisé dans le sable, qui nous tire d’affaire. Cela fait plus de 2 heures, à 40° à l’ombre (s’il y en avait !) que nous essayons de dompter ce terrain qui n’en fait qu’à sa tête ; plus nous creusons et enlevons le sable, plus ces « petits grains » reglissent sous les roues. Rien à voir avec nos souvenirs de construction de beaux châteaux de sable avec les enfants sur la plage ! Avec de grands gestes, Saïd nous initie à une méthode, loin de nos standards où l’équipement est la trousse de secours, alors que pour lui, dénué de toute appareillage, la nature offre les moyens pour faire face à toute situation. Il nous explique donc qu’il faut finir de creuser des rigoles de chaque côté sous le bus, comme nous avons commencé, arracher des touffes de ces buissons plus loin, le « turgidum panicum », et les disposer dans les tranchées. Ce « tapis » d’herbes permettra de ne pas s’enfoncer plus dans ce bac à sable ! Et ça marche, avec son aide, nous nous extrayons, ni une ni deux, de cette « sortie de route ». Pas assez de mots pour remercier Saïd, shkran, shkran, شكرًا !

Pour terminer ce périple mémorable, c’est à 40 km de l’arrivée que le témoin lumineux du réservoir d’essence (80 lt) affiche ironiquement sur notre tableau de bord que nous roulons alors sur la réserve. C’est un des paramètres auquel nous prêtons une attention particulière tout au long de ce voyage loin de tout. Nous savions qu’à Aousserd, il y avait une station essence, mais ce que nous ignorions c’est que c’était un terrain militaire et que nous ne sommes pas autorisés à y rester. C’est gentiment que l’agent de service nous explique ceci, après avoir contrôler nos passeports et papier du véhicule, nous laisse le temps de faire le plein et nous indique la route à prendre pour quitter cette zone.

Pour remonter depuis Aousserd, la distance étant longue, nous empruntons la N1, route fraîchement construite et faisant la fierté du pays en offrant une infrastructure en bord de côte reliant le nord et sud du pays en moins de 10 heures. Ces journées de « transit » sont toujours compliquées pour trouver un bivouac. Nous nous éloignons donc de cette voix express, en fin d’après-midi, par un chemin de traverse et nous installons pour la nuit. C’est vers 20h que 3 militaires arrivent vers nous et nous expliquent qu’il ne faut pas rester là, car trop dangereux du fait du va-et-vient de trafiquants de tout genre, étant juste en face des Iles Canaries ! Ils nous conseillent de trouver une station essence et de se garer au milieu des camionneurs pour être en sécurité. C’est ce que nous faisons, mais c’est la nuit la plus cauchemardesque que nous avons vécu ; en termes de nuisance sonore, chaleur étouffante et hygiène quelque peu douteuse, loin de toute commodité et standards que nous nous faisons ! C’est là que prend toute la dimension contraire, où nous nous sentons en toute sécurité en pleine nature, mais où le danger nous guette étant trop près des agglomérations et voies de communication !

Nous sortons du Sahara occidental par une petite route goudronnée, où nous devons zigzaguer entre le bitume et les immenses dunes qui ont gagné le terrain. Des chemins parallèles se devinent pour contourner ces immenses congères ; c’est un vrai jeu de piste, où les jeeps locales s’en accommodent avec l’éternel « ça va, ça va bien ? » lorsqu’ils nous croisent.

Nous regrettons déjà le désert, mais nous devons penser au retour et entamer la traversée vers le Nord. Mais comme pour nous retenir encore un peu dans ces espaces qui nous ont tant apporté, voilà que nous subissons une crevaison. La 1ère avec le bus depuis 3 années de voyage ! Ce n’est pourtant pas n’avoir pas pris la précaution de ménager nos pneus. Il y a 2 soirs, notre hobby a été d’intervertir les roues avant avec celles de l’arrière, car l’usure n’est pas la même sur ces pistes caillouteuses ! Après une réparation chirurgicale du pneu crevé, nous poursuivons notre aventure.